Article du Journal Le Monde

Consommer vert est un art, par Annie Kahn

LE MONDE | 04.05.07 | 14h04

Industriels et transporteurs de marchandises sont perçus comme étant les principaux responsables de la production de CO2 et du réchauffement climatique. Mais le consommateur joue aussi un rôle déterminant. En modifiant son comportement, il peut aussi contribuer à la réduction de gaz à effet de serre. Or, les bonnes pratiques ne sont pas forcément celles qui le sont intuitivement.
Deux chercheurs, Christophe Rizet, de l'Institut national de la recherche sur les transports et leur sécurité (Inrets), et Basile Keïta, de B2K Consultants, ont étudié le cas d'acheteurs de yaourt d'une part, et de jeans d'autre part.

Un amateur de yaourt, soucieux de son profil environnemental, ne devra pas tant s'inquiéter de la façon dont est fabriqué son produit que du type de magasin dans lequel il va l'acheter : hypermarché, magasin de proximité ou achat en ligne. Le magasin de quartier sort grand vainqueur de la compétition, alors que les hypers sont bons derniers. Un achat de yaourt en hypermarché provoque des émanations de CO2 de 60 % supérieures à celle d'un achat en épicerie de quartier. Les émanations dues à la production du yaourt sont en effet les mêmes quel que soit le canal de distribution. Celles dues au transport entre le lieu de production et les entrepôts en amont des magasins sont proches. Car les yaourts consommés en France sont fabriqués localement à partir de lait lui-même produit en France. La différence provient de la consommation énergétique des magasins et du trajet qu'effectue le consommateur pour acheter son produit.

Certes, grâce aux économies d'échelle, une grande surface consomme relativement moins d'électricité qu'une petite épicerie de quartier. Mais cet avantage est faible comparé aux émanations d'une voiture utilisée pour aller faire ses courses dans un hyper, alors que l'on va à pied chez son épicier. D'autant que les produits pétroliers contribuent davantage à l'effet de serre que l'électricité.
Cet argument explique d'ailleurs pourquoi un achat de yaourt en ligne est encore moins consommateur d'énergie qu'un achat en épicerie (pas de consommation d'électricité en magasin), mais contribue davantage à l'effet de serre à cause des camionnettes de livraison.

Il en est tout autrement des jeans. Le lieu de fabrication est ici primordial. Mieux vaut acheter un jean fabriqué en Egypte qu'en Inde. Et l'acquérir dans un hyper est plus judicieux que dans un magasin spécialisé, car un acheteur de pantalon va rarement dans une grande surface uniquement dans ce but, mais aussi pour acheter alimentation et produits ménagers alors que le trajet vers la boutique spécialisée, qui n'est pas toujours à proximité, ne sera amorti que sur ce seul produit.